Régulièrement, Canidea reçoit des demandes de personnes sujettes à des crises d'angoisses et autres troubles comme la dépression et qui se renseignent pour bénéficier d’un chien d’assistance. Elles sont convaincues que la présence d’un chien les aiderait à diminuer leur détresse psychique, leur permettrait de mieux circuler dans l’espace public et faciliterait leurs interactions avec les autres. Leur demande, parfaitement légitime puisqu’il s’agit pour elles de se soigner, ramène sur le devant de la scène un débat complexe, celui du chien de soutien émotionnel. Alors, pourquoi les chiens de soutien émotionnel ne sont-ils pas des chiens d’assistance ?
la RÉGLEMENTATION française
Tout d’abord, il est indispensable de rappeler ce que sont les chiens guides et d’assistance au regard de la loi française. En France, les personnes handicapées ont le droit d’accéder partout avec leur chien sous deux conditions : que la personne soit porteuse de la carte mobilité inclusion qui atteste du handicap et que le chien ait un certificat qui atteste qu’il a reçu une éducation appropriée.
La carte mobilité inclusion est remise à des personnes dont la mobilité est entravée par un handicap sensoriel ou moteur ou une pathologie qui réduit largement la capacité de la personne à se mouvoir librement. A ce jour, les personnes atteintes de maladies psychiques peuvent être reconnues handicapées et recevoir certaines prestations d’aide et pour autant ne pas avoir de carte mobilité inclusion car il est estimé qu’elles peuvent circuler sans avoir besoin d’une aide particulière : les experts de la MDPH considèrent que leur mobilité n’est pas mise en cause par leur pathologie psychique.
En ce qui concerne les chiens, en exigeant un certain niveau d’éducation, la loi a pour objectif de garantir un comportement adapté des animaux admis là où d’ordinaire ils ne le sont pas. Tout refus d’accès à un maître détenteur de la carte mobilité inclusion accompagné de son chien est passible d’une amende. Malgré cela, des maîtres de chien guide et de chien d’assistance se voient encore régulièrement refuser l’accès à des commerces, des taxis ou tout autre lieu dans lequel le quotidien les amène. Tous les chiens guides et d’assistance sont des ambassadeurs pour la cause : les écoles veillent à ce que leur éducation soit parfaite et qu’ils ne soient pas à l’origine d’incident troublant l’ordre public. La sélection et les centaines d’heures d’éducation canine qu’ont reçues ces chiens font toute la différence.
CE QUE LE CHIEN PEUT APPRENDRE À FAIRE POUR AIDER PSYCHIQUEMENT
Le chien a effectivement de grandes capacités à percevoir les signes de détresse psychique des humains. La différence entre un chien domestique et un chien d’assistance est que le chien d’assistance va apprendre à détecter ces signes et va réagir à ceux-ci d’une façon précise. C’est le cas de deux grandes catégories de chiens d’assistance.
Il y a bien sûr des chiens d’éveil, qui sont remis à des familles dont un enfant est atteint d’un trouble envahissant du développement (TED). Dans ce cas précis, la pathologie est définitive : l’enfant sera toujours neurologiquement différent et ses comportements sont relativement prévisibles. Il est donc possible d’éduquer un chien pour anticiper ces comportements et faciliter les interactions. De plus, l’enfant est entouré de sa famille et celle-ci est responsable de l’animal, en garantissant son bien-être et ses apprentissages en tant que chien d’assistance (retrouvez les associations qui éduquent des chiens d’éveil ici).
Il y a aussi une réflexion sur les chiens pour personnes atteintes du syndrome de stress post traumatique, pathologie aujourd’hui bien connue et pour laquelle de nombreuses études ont été menées dans les pays anglo-saxons sur l’intérêt de l’assistance par l’animal. Ces personnes ont également des comportements prévisibles, avec des cauchemars récurrents et des crises qui s’inscrivent dans le temps sous forme de cycles. S’il y a la certitude de l’aide à l’autonomie qu’apporte le chien à ces personnes, la difficulté d’un tel projet est qu’il exige une instruction longue et rigoureuse de la demande du bénéficiaire et surtout un accompagnement médical renforcé de la personne. De plus, le suivi du chien est également beaucoup plus important : les chiens étant des « éponges émotionnelles », il est essentiel de vérifier qu’ils ne sont pas affectés par l’état émotionnel de leur maître. L’ensemble du dispositif est donc beaucoup plus contraignant à tous les niveaux que les autres spécialités de chiens d’assistance. A ce jour, les associations membres de Canidea ne sont pas encore en capacité de mettre en place cette spécialité, ceci d’autant plus qu’elles ont déjà beaucoup de demandes pour les spécialités déjà en place. En effet, lorsqu’on travaille avec des publics vulnérables, pour bien faire les choses, il faut savoir rester concentré et ne pas se disperser.
En ce qui concerne les pathologies psychiatriques, quelques associations dans le monde ont fait le choix de s’atteler au développement de l’assistance par le chien (cliquez ici pour retrouver les associations en question). Cette spécialisation pose des problèmes relativement complexes. Il y a d’abord la difficulté à définir ce que le chien doit faire en tant que chien d’assistance : quelles seraient ses tâches précisément ? Ensuite, le public des personnes malades psychiquement est extrêmement hétéroclite. Pour la déficience visuelle, la surdité, le diabète ou même le SSPT, les personnes handicapées présentent des caractéristiques communes par type de handicap, pour lesquelles des tâches claires sont identifiées et identifiables pour les chiens. A ce jour, ce n’est pas le cas pour les maladies psychiques. Personne n’a, pour le moment, été capable de définir de manière systématique en quoi un chien pourrait assister, en tout cas autrement qu’en étant un bon chien de compagnie. Nous insistons sur le « pour le moment » … Le monde du chien d’assistance évolue extrêmement vite aujourd’hui. Peut-être que demain nous apportera une réponse en la matière !
POURTANT, ON ENTEND PARLER DES CHIENS DE SOUTIEN ÉMOTIONNEL …
En effet, le concept de ce chien nous arrive des Etats-Unis et du Canada, pays dans lesquels les bailleurs de logement peuvent interdire la présence d’animaux dans les logements qu’ils louent. Si cette interdiction ne s’applique pas aux personnes reconnues handicapées accompagnées de leurs chiens d’assistance (les Etats-Unis et le Canada ont aussi une réglementation sur l’accessibilité), elle pose un problème pour les personnes qui souffrent d’une trouble psychique (anxiété ; dépression ; trouble bipolaire ; trouble de l'humeur ; crises de panique ; peur / phobies ; pensées ou tendances suicidaires). C’est pourquoi ces pays ont voté des textes de loi reconnaissant un statut « d’animal de soutien émotionnel » pour permettre au maître locataire souffrant d’un trouble psychique d’avoir un animal, qui n’est pas obligatoirement un chien, dans son logement. Ce principe a été étendu à l’aviation (mais pas aux lieux publics), puisque les transporteurs aériens sont tenus également d’admettre l’animal de soutien émotionnel en cabine sans imposer de frais supplémentaires. Toute personne prétendant être accompagnée d’un chien de soutien émotionnel doit pouvoir présenter une lettre d'un médecin ou un professionnel de la santé mentale recommandant la présence de l’animal. En aucun cas, la réglementation nord-américaine n’exige de preuve d’éducation de l’animal.
LES CHIENS DE SOUTIEN ÉMOTIONNEL RÉGULIÈREMENT À L'ORIGINE D'INCIDENTS
Les Etats-Unis et le Canada ont désormais un commerce florissant autour des chiens de soutien émotionnel. En dehors de la vente de chiens, des sites en ligne proposent des harnais et des cartes d’identification, certains allant jusqu’à proposer une forme de « certification médicale » en évaluant la santé émotionnelle des personnes. L’ensemble des acteurs concernés par l’accessibilité déplore cette situation. Les agents de sécurité rencontrent de réelles difficultés à distinguer les chiens guides/d’assistance des chiens de soutien émotionnel. Les transporteurs aériens se plaignent régulièrement des difficultés que posent les animaux non ou mal éduqués. La liste des incidents s’allongent allant des défécations aux morsures.
TYPE DE CHIENS |
MISSIONS |
SITUATION DU MAÎTRE |
ÉDUCATION |
ACCESSIBILITÉ |
Chiens guides et chiens d’assistance |
« Compenser » le handicap ou la maladie du maître pour l’aider dans des tâches que le maître ne peut accomplir seul |
Reconnaissance de son handicap ou de sa maladie par la Maison Départementale du Handicap : carte mobilité inclusion |
Effectuée par un éducateur canin spécialisé – validée par un centre d’éducation de chien guide ou d’assistance |
Tous les lieux accessibles au public (Loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées) |
Chiens de soutien émotionnel |
Apporte un réconfort au maître par sa présence |
Pas de handicap reconnu par une commission d’experts |
Aucune en dehors de celle effectuée par son propriétaire |
Aucune |
RAPPEL : EN FRANCE, LES PERSONNES AVEC UN TROUBLE PSYCHIQUE PEUVENT PARFAITEMENT AVOIR UN ANIMAL DOMESTIQUE SANS QUE CE SOIT UN CHIEN D’ASSISTANCE
On voit ici la spécificité du contexte nord-américain et il n’est en aucun cas souhaitable qu’une telle situation se produise en France. Les bailleurs français ne peuvent interdire à leurs locataires la présence d’animaux, sauf dans l’éventualité où celui-ci générerait des nuisances (un âne dans un studio par exemple). Il n’y a pas de doute sur les aptitudes de ces animaux dits de soutien émotionnel à procurer réconfort et soutien à des individus souffrant de diverses conditions mentales et émotionnelles. Ils attestent que la relation entre humains et chiens est exceptionnelle et qu’elle mérite d’être mieux estimée dans nos sociétés qui réduisent chaque jour un peu plus les espaces dans lesquels les animaux peuvent coexister avec les humains. Cependant les chiens de soutien émotionnel n’accomplissent pas de tâches spécifiques comme le font les chiens guides ou les chiens d’assistance. Les chiens de soutien émotionnel apportent une stabilité affective et un amour inconditionnel à leurs maîtres, de la même façon que n’importe quel autre chien de famille. Contrairement aux chiens guides et aux chiens d’assistance, ils n’ont pas été sélectionnés sur des critères précis de la naissance à la remise, n’ont pas reçu plusieurs centaines d’heures d’éducation et ne peuvent donc pas démontrer de compétences spécifiques.
Afin d’éviter toute confusion entre les chiens guides/d’assistance et les autres chiens, Canidea et ses membres souhaitent rappeler que le contexte français protège le droit à l’accessibilité des personnes porteuses d’un handicap parce que les centre d’éducation garantissent le comportement des chiens qu’elles ont éduqué. Il serait dommageable pour les maîtres de chiens guides et d’assistance que leurs chiens soient confondus avec des chiens non éduqués qui seraient à l’origine d’incidents. Évitons donc collectivement que la situation nord-américaine ne se diffuse en France.